Rémunération des élus de Saint-Augustin-de-Desmaures

Les positions exprimées dans ce texte sont miennes.
Yannick LeBrasseur.

L’enjeu

En 2018 et depuis le début de l’année 2019, plusieurs villes du Québec et d’un peu partout au Canada ont revu la rémunération de leurs élus. Je vous invite à consulter le fil de nouvelles ci-dessous.

Fil de nouvelles – Rémunération des élus

Le sujet s’est aussi imposé à Saint-Augustin-de-Desmaures à partir de l’automne 2018. Un montant a d’ailleurs été prévu dans le budget de 2019. Comme vous avez pu le constater, en date du 19 mars dernier, le sujet ne faisait pas l’unanimité au sein du Conseil.

Consultez les 2 projets de règlements présentés à la séance du 19 mars:

Par souci de transparence et en toute imputabilité, le 13 octobre dernier, j’ai présenté pour une première fois à mes électeurs et à tous les augustinois les positions que j’allaient plaider auprès de mes collègues. J’ai publié à nouveau le 21 octobre, le 13 décembre et le 10 janvier. L’article a été vu 327 fois sur ce blogue politique et 2153 fois sur ma page Facebook.

Je présente ci-dessous dans quel contexte la réflexion s’est amorcée et puis je décris l’analyse effectuée pour en arriver à prendre positions.

Le contexte

Projet de loi 122

Le 15 juin 2017, l’Assemblée Nationale a adopté le projet de loi no 122. La loi, qui reconnaît les municipalités comme des gouvernements de proximité et qui accroît leur autonomie, rend obligatoire l’adoption d’un règlement sur la rémunération des élus à partir du 1er janvier 2018. Plusieurs balises encadrant la rémunération des élus ont été abrogées et la Loi sur les cités et villes, ainsi que le Code Municipal, ont été modifiés. Ceci amènera les élus à une grande réflexion. La Fédération Québécoise des Municipalités et l’Union des Municipalités du Québec ont alors publié des outils d’accompagnement pour établir la rémunération des élus. À noter que le règlement en vigueur relatif aux traitements des élus de Saint-Augustin-de-Desmaures est conforme à la nouvelle législation.

FQM: Guide de rémunération des élus
UMQ: Outil sur la rémunération des élues et élus municipaux

Fiscalisation des allocations versées aux élus

Le 22 juin 2017, le budget fédéral 2017 reçoit la sanction royale. Une disposition du budget stipule que les allocations versées aux élus en 2019 (sans qu’ils aient à fournir de pièce justificative) s’ajouteront à leur revenu, donc deviendront imposables. Les regroupements municipaux, dont la Fédération Canadienne des Municipalités, la Fédération Québécoise des Municipalités et l’Union des Municipalités du Québec, ont fait des représentations auprès du gouvernement libéral de Justin Trudeau pour qu’il fasse marche arrière, mais celles-ci sont demeurées sans succès.

Article du Devoir

Rapport Larouche

En début d’année 2018, la Ville a mandaté une firme de consultants RH afin d’effectuer une recherche sur le traitement des élus. L’approche consistait à rechercher des données comparables, à réaliser une brève analyse de la situation et à déterminer les actions possibles. Le rapport a été remis aux élus en mai 2018. Vous pouvez le consulter en cliquant sur le lien ci-dessous.

Rapport Larouche.

Assises de l’UMQ

Le 17 mai 2018, avec mon collègue Jean Simard, j’ai participé à un atelier de travail où nous avons pu constater l’impact et toute la problématique de la sous rémunération et de la sous valorisation du travail des élus. Ces deux éléments ont été identifiés comme des facteurs déterminants dans le désengagement et le manque de relève en démocratie municipale.

L’analyse

Rémunération des élus au 1er janvier 2019 (avant la fiscalisation de l’allocation de dépenses)

En 2019, en vertu du «Règlement relatif au traitement des élus», les salaires des élus de Saint-Augustin-de-Desmaures sont:

Conseillers:

  • Salaire de base: 16657$;
  • Allocation de dépenses non imposable: 8329$;
  • Salaire total annuel brut: 24986$.

Maire:

  • Salaire de base: 67186$;
  • Allocation de dépenses non imposable: 16767$;
  • Salaire total annuel brut: 83953$.

Le salaire de base est déterminé par le Conseil municipal. Ensuite, l‘allocation de dépenses est dictée par la «Loi sur le traitement des élus» et se calcule ainsi:

[Allocation de dépenses] = 50% du [Salaire de base]
Notes: L’allocation de dépenses ne peut être supérieure à 16767$.

L’allocation de dépenses «est», ou plutôt «était avant la loi», un montant forfaitaire non imposable qui sert en autre à couvrir:

  • les frais de représentation (cellulaire, utilisation de sa voiture, essence, bureau à la maison, etc.);
  • les coûts des activités-bénéfices auxquelles l’élu est invité;
  • les pertes de salaire encourues lorsque l’élu doit s’absenter de son travail;
  • et toutes autres dépenses inhérentes au poste que l’élu ne se fait pas rembourser.

Ces dépenses sont actuellement payées par l’élu en «argent net».

À noter:

  • La Ville contribue uniquement au régime de retraite du maire;
  • De même, seul le maire peut se voir verser une allocation de transition;
  • Il n’y a aucun autre revenu, peu importe le nombre de comités, commissions, conseil d’administration ou groupes de travail auxquels les élus participent à titre de membre du Conseil. Il n’y a aucun autre avantage ou remboursement de dépenses (sauf dans le cas où une résolution du conseil le permettrait).

Impact de la fiscalisation de l’allocation de dépenses

Dans son budget de 2017, le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé que les allocations que reçoivent les élus pour des dépenses liées à leur fonction, cessent à partir de 2019, d’être considérées comme un revenu non imposable et deviennent entièrement comprises dans le calcul de leur revenus aux fins de l’impôt.

Cette nouvelle charge fiscale se traduira par une perte de revenus des élus d’au moins 10%. Si le provincial décidait d’imiter le fédéral, la perte serait alors doublée (ce n’est pas le cas à ce jour, 19 mars 2019).

Ainsi, à Saint-Augustin-de-Desmaures, pour neutraliser l’effet de la fiscalisation fédérale des allocations de dépenses, une compensation de 3113$ serait requise pour chaque conseiller et de 7350$ pour le maire.

La rémunération et la valorisation du travail des élus

J’avoue qu’il y a quand même un certain inconfort dans le fait que ce sont les élus qui déterminent combien d’argent les contribuables leur verseront annuellement.

Il y a deux écoles de pensées. La première veut que les élus ne travaillent pas pour l’argent, mais d’abord et avant tout pour le bien être des citoyens. La deuxième stipule que pour attirer de meilleures candidatures, il faut des salaires plus élevés.

Dans les faits, nous sommes confrontés à un troisième élément qui joue un grand rôle et qui exige de faire preuve de sobriété. Saint-Augustin-de-Desmaures traîne une dette de 88 millions $ (taux d’endettement = 257%) et ses résidents ont le compte de taxe le plus élevé de la région de Québec, conséquences d’une décennie de gestion déficiente, confirmée par le rapport du MAMOT.

Je comprends que le lien de confiance entre les contribuables et les élus a été malmené et tout est à rebâtir. C’est d’ailleurs le cas à tous les niveaux politiques (municipal, provincial, fédéral).

Il faut jouer franc jeu et ne pas avoir peur du débat que peut susciter la question de la rémunération.

Les élus doivent bien expliquer leur rôle et responsabilités qui dans les faits sont à peu près les mêmes que l’on soit en temps de prospérité ou en temps de crise financière. La population doit avoir toute l’information pour être en mesure de reconnaître et de juger du travail de leur élus.

Est-ce que le montant total de la rémunération:

  • compense toutes les dépenses encourues?
  • reflète l’ampleur de la tâche et est proportionnel au temps investi?
  • reconnaît le rôle de plus en plus important des élus dans des prises de décisions souvent difficiles pour lesquelles ils sont redevables?
  • valorise la fonction et rend l’emploi attrayant pour des candidats de qualité?
  • respecte le cadre financier de la Ville et la capacité de payer des contribuables?

Dans son guide d’accompagnement, pour fournir aux élus des points de référence et définir les zones de rémunération, l’Union des Municipalités s’est basée sur différents critères qui indiquent la complexité de la gestion municipale comme:

  • la population desservie (VSAD = 19164 hab.);
  • la richesse foncière de la municipalité (VSAD = 3,44 milliards $);
  • les services offerts à la population (VSAD: voirie, parc industriel, aréna, piscines, gymnases, bibliothèque, terrains sportifs, parcs et espaces verts, vie communautaire, maison des jeunes, maison pour les aînés, salles multifonctionnelles, collecte des matières résiduelles, etc.);
  • la présence de partenaires locaux ou régionaux (agglomération, points de service de santé, écoles primaires, écoles secondaires, collège privé, centre de recherche d’une université, chemin de fer, autoroute et ses accès, agriculteurs, etc);
  • la superficie du territoire (105 km2);
  • aspect climatique et géographique (plan d’eau, rives ou littoral, réserve naturelle).

Les zones de rémunération de l’UMQ s’harmonisent parfaitement avec les conclusions du rapport Larouche présentées ci-dessous.

Conclusions du rapport Larouche

En 2018, dans la foulée des discussions sur tous les aspects de la rémunération des conseillers et du maire, la Ville a mandaté un consultant en ressources humaines afin d’effectuer une recherche sur le traitement des élus.

Rapport Larouche.

Trois catégories de comparables ont été identifiées:

  • les Villes faisant partie de l’agglomération de Québec;
  • les Villes ayant des populations comparables;
  • les Villes ayant des budgets comparables.

L’étude conclue que:

  • le salaire total des conseillers devrait se situer entre 28000$-30000$ annuellement, plutôt que 24986$.
  • le salaire total du maire devrait se situer entre 100000$-110000$ annuellement, plutôt que 83953$.

À noter que la mesure de rendre imposable les allocations de dépenses à partir de 2019 n’a pas été prise en compte dans l’étude.

Les décisions

Conseillers: compensation de la fiscalisation de l’allocation de dépenses

Les défis sont grands à Saint-Augustin-de-Desmaures et un niveau d’implication élevé est requis.

Consultez mon agenda public de conseiller en cliquant sur ce lien.

Les citoyens réclament que la gestion municipale se fasse de façon rigoureuse, en toute transparence, avec redditions de comptes et en les impliquant de plus en plus dans le processus décisionnel.

Être élu, c’est un travail, avec des responsabilités et des obligations. C’est dans cet esprit qu’une rémunération équitable, comme tout autre salarié, est souhaitable. Je suis aussi conscient de la situation financière de notre ville.

En prenant compte de tous les aspects, j’ai plaidé en faveur de neutraliser uniquement l’effet de la fiscalisation fédérale de l’allocation de dépenses par une compensation de 3113$ sur le salaire brut de chaque conseiller. Au net, les conseillers auraient le même revenu.

Salaire net d’un conseiller avant la fiscalisation et avant la compensation:

Salaire Allocation Total
Salaire brut 16657$ 8329$ 24986$
Impôt fédéral 3615$
Impôt provincial 3998$
DAS 1056$
16317.52$

Salaire net d’un conseiller après la fiscalisation et après la compensation:

Salaire Allocation Total
Salaire brut 18732$ 9366$ 28098$
Impôt fédéral 6097$
Impôt provincial 4496$
DAS 1187$
16317.77$

Le coût de cette mesure pour la Ville serait de 18675$ pour les 6 conseillers.

Voir le fichier de calcul préparé par l’administration.

Maire: Ajustement salarial, incluant la compensation de la fiscalisation de l’allocation de dépenses

Dans le cas du maire, les conclusions du rapport Larouche sont frappantes. Il y a un écart d’au moins 20000$ avec les comparables. C’est une évidence qu’un ajustement salarial est requis.

En plus des rôles et devoirs habituels d’une mairesse ou d’un maire (droit de surveillance, d’enquête et de contrôle sur le fonctionnement des services municipaux, responsabilités d’acheminer les mandats confiés par le conseil à l’appareil administratif, de superviser l’application des règlements et des résolutions, de communiquer toute information jugée d’intérêt public, devoir de veiller à ce que les revenus de la municipalité soient perçus et dépensés suivant la loi, participation aux autres instances démocratiques comme l’agglomération), dès 2015, le maire a mis en place le long processus de redressement des finances (toujours en cours) et depuis 2017, avec l’appui du Conseil, il s’assure de l’instauration d’une nouvelle philosophie de gestion. Le développement économique est aussi actuellement sous sa charge (dont la vente de terrains industriels).

J’ai alors plaidé sans hésitation en faveur d’un ajustement salarial de 21047$, qui inclut la neutralisation de l’effet de la fiscalisation fédérale de l’allocation de dépenses (7350$), sur le salaire brut du maire. Le salaire avant déductions du maire passerait donc de 83953$ à 105000$.

En bref

Avec les 2 mesures proposées, le coût total pour la Ville serait d’un peu moins de 40000$ et je le rappelle, cette somme a déjà été planifié dans le budget de 2019. La masse salariale révisée des élus (273588$ – sans les avantages sociaux du maire) ne représenterait que 0.8% du budget de proximité.

À noter que les dépenses ont été réduites de 2.4 millions$ dans le budget de 2019 (-4.1%)Dans la rubrique «Dépenses par objet», on peut aussi voir que la «Rémunération» n’a augmenté que de 2%, ce qui est en deçà des hausses salariales des employés et du vieillissement de système. En d’autres termes, des réaménagements au niveau des ressources humaines ont permis de contrebalancer tous les coûts supplémentaires. Un exemple concret: le salaire de la direction générale a été réduit de 50000$.

Je suis convaincu qu’il est nécessaire de procéder à ces deux modifications maintenant. Il y a eu plusieurs heures de recherche, de débat, de réflexion et de consultation pour en arriver à ces décisions. Plusieurs élus des autres municipalités du Québec se sont déjà prononcés.

Il y a un risque certes que ces décisions soient impopulaires. Les élus doivent décider de leur salaire. La loi est ainsi faite.

L’opinion publique dépendra aussi de la profondeur avec laquelle la nouvelle sera traitée par les médias et relayée sur les réseaux sociaux.

Oui, c’est un choix politique. Tout comme la volonté de ce Conseil de s’attaquer avec vigueur au remboursement de notre dette énorme.

«Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté». Winston Churchill

Je pose cette question aux augustinois: Qu’est-ce que l’on veut comme leader à Saint-Augustin-de-Desmaures?

Je vous avise que je fais partie des optimistes.

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Révisé et publié à nouveau le 19 mars 2019
Révisé et publié à nouveau le 10 janvier 2019
Révisé le 13 décembre 2018

Publié à nouveau le 21 octobre 2018
Publié le 13 octobre 2018

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